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19 octobre 2010 2 19 /10 /octobre /2010 13:36

 

 

tetris-stickers-2

 

L'envie me prend parfois, de reprendre cette histoire de mains, me remettre à photographier les mains des gens dans le métro. Je regarde.

Hier, en face de moi : une jeune femme aux pouces véloces, tricotant des mots sur son blackberry, et à côté, un homme très fort en costume sombre, sérieusement absorbé lui aussi, tenant dans ces mains énormes un tout petit écran.

Le hasard a voulu que je me lève, et que je me retrouve en regard-plongée sur son écran. C'était Tétris. Formes simples et coudées, calmes blocs tombant d'un ciel morne, et l'objectif impératif : remplir les vides, faire que la ligne du dessous soit pleine absolument. Je suis restée un moment à regarder s'empiler les rectangles, à regarder surtout comment une ligne une fois vidée de ses vides s'évanouit d'elle-même, s'écrase, s'oublie - comme une génération sans trace.

Nous passons, de la même manière, beaucoup de temps à tenter de remplir nos vies.

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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 12:49
Paris se peuple de touristes. Je n'ai absolument rien contre les touristes, mais j'ai un terrible complexe concernant mes aptitudes en langue étrangère (même pas de pluriel à la langue tellement mon complexe est grand et mes aptitudes potentielles limitées). Du coup, quand je regarde les mains, je les considère d'emblée avec circonspection : savoir si ces mains vont bien parler français. Or, la méfiance comme premier mouvement est cela même que je veux combattre dans cette idée de photographier les mains inconnues. Me voilà bien peu outillée pour lutter.
Ce prétexte fallacieux, plus celui que je vais moi-même bientôt déraciner mes mains et les planter dans des terreaux, disons très sablonneux, avec dans mes bagages certainement comme lecture de vacances Le dictionnaire amoureux des langues de Claude Hagège : deux raisons pour dérouler le store, fermer pour quelques jours la grande paupière de ce blog (la forme d'un blog, en général, étant de tout façon très proche du store vénitien : déroulement de lignes devant les yeux pour ne laisser venir à soi du monde que la lumière qu'on choisit.)
Dérouler le store, donc. Mais, on ne sait jamais : laisser un peu de lumière passer quand même, ne pas tout boucler hermétiquement, ne pas se mettre complètement à l'ombre. Peut-être la paupière s'ouvrira à un moment ou un autre au coeur de l'été, peut-être pas.

(L'oeil : c'est de notre devoir de ne jamais le fermer totalement, nous qui l'avons encore sain et sauf)

Et quand le store se lèvera de nouveau, deuxième quinzaine d'août, je compte bien sur le soleil pour avoir fait mûrir un nouveau fruit à vous proposer sur mon étalage.

Lancement donc à la rentrée de Simple appareil ®.
Le ® vous comprendrez pourquoi ensuite, sachez seulement que c'est la première lettre du verbe rire, qu'il s'entoure pour ne pas devenir jaune, et que c'est aussi la première lettre des verbes de recommencement : refaire, rejouer, repeindre, renaître, redonner, etc...
Et comme devoir de vacances, cette question à méditer à l'origine du projet, et que je partage avec vous :
Comment faire pour retrouver une aiguille dans une botte de foin?
Transposé à l'échelle d'une population : comment (re)faire que la personne soit irréductible aux catégories sociales, aux profilages marketing, aux tests, évaluations et indicateurs, à toutes ces figures qui veulent se substituer à son visage?
En attendant, que les vôtres prennent un hâle bienfaisant.
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8 juillet 2009 3 08 /07 /juillet /2009 07:07

Pendant les deux premières secondes elle m'a regardé avec des yeux rétrécis par la méfiance, et puis elle s'est détendue, elle m'a dit : "vous les trouvez intéressantes mes mains?... Intéressantes, de toute façon, c'est mieux que belles". J'étais accrochée quant à moi à tout ce que ces mains déployaient d'atours, notamment la couleur inhabituelle du vernis, qui rappelait le trait de crayon effectué dans le contour de l'oeil enfin ouvert par la curiosité. Accrochée si bien par les colifichets, que je n'ai pas vu tout de suite pourquoi ces mains, que je trouvais aussi belles qu'intéressantes, elle les trouvait, elle, surtout intéressantes, car la beauté selon elle s'était perdue avec la torsion que l'arthrose faisait subir aux doigts.

Intéressantes ses mains, dans l'affirmation de toute la personne d'être parée comme elle l'entend, a priori un peu plus que la moyenne et différemment, ce qui lui a valu bien des reproches, qu'elle arbore aujourd'hui comme des bannières de plus. "De toute façon, personne n'a jamais réussi à me faire changer".
Et voilà que l'intérêt devient réciproque, elle me demande, comme je me demande intérieurement de tous ses bijoux : "mais qu'est ce que vous allez faire de tout ça?". En fait, exactement la même chose : le montrer. Et dans les deux cas la raison principale n'est pas le narcissisme, mais le signal envoyé aux autres : dire "regardez, nous pouvons vivre notre vie autrement". Vivre sa vie autrement : s'habiller pas seulement pour se vêtir, écrire pas seulement pour travailler. Mais dans les deux cas, aussi, pour incendier les regards.
Je dis cela après coup. Je dis cela parce que j'y ai longuement pensé, comme après chaque rencontre. J'y pense, beaucoup, et chaque personne rencontrée dans ce projet, depuis, m'accompagne.
Je dis cela, incendier les regards, car de feu dans sa vie il a été question. Si nous nous retrouvions sur la même ligne ce jour là, c'est que depuis deux ans elle n'a plus de logement à elle, qu'elle vit chez un ami, depuis que son appartement a pris feu et est devenu inhabitable, puisque l'assurance conteste la prise en charge des travaux. Je dis cela comme une consolation, qu'elle sache que tous les incendies de sa vie ne sont pas ravageurs.

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30 juin 2009 2 30 /06 /juin /2009 13:24
Il s'est assis de biais, l'air un peu las.
C'est à cause de son air las que je l'ai abordé, car moi même je le suis un peu, parfois, tant l'idée de collection ne me convient pas. N'avoir que cette motivation : ajouter une main au catalogue, serait détestable. Il faut qu'il y ait autre chose : dans l'art de la série, faire jouer les correspondances, les dissonnances. Mais pas l'accumulation pour elle-même.
Donc il était las et de biais, et du fait de ce double état ses mains se sont présentées dans une chorégraphie inédite : fatigué, il n'a pas fait l'effort de se réinstaller pour me faire face, et donc les mains ont dû prendre un peu de hauteur, un peu d'envol, pour être captées par l'appareil.
J'ai demandé ce qu'il avait à en dire.
Il les a regardé, il a dit "ça va".
Sous-entendu : "je ne m'en plains pas".
Il a poursuivi, avec quelque chose de lent dans la voix. "Les ongles sont un peu trop courts, parce que je les ronge, mais sinon ça va".
Ensuite il a passé un moment à les regarder, à les retourner, comme si c'était la première fois qu'il les remarquait là, au bout de ses propres bras. Il les regardait sans véritable surprise, mais avec un air intrigué, comme quand on retourne un objet dans tous les sens pour savoir à quoi ça peut bien servir, ou plus exactement, comme quand on retombe sur un objet rangé depuis longtemps au fond d'un placard, et qu'on mesure, dans l'écart qu'il y a entre l'étonnement et la reconnaissance, le temps écoulé.
De la main gauche il a caressé les veines saillantes de la main droite, puis il a dit :
"Elles commencent à vieillir." Puis il a ajouté : "Avec le bonhomme".
A ce moment, à ce moment précis où il a lié leur sort à celui du bonhomme tout entier, j'ai eu l'impression, sans doute immodeste, de lui avoir rendu ses mains. Qu'en tout cas, la propriété qu'il pouvait en avoir n'était plus seulement utilitaire.
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23 juin 2009 2 23 /06 /juin /2009 13:42
J'étais en train de lire un article de Jean-Paul Fourmentraux sur les oeuvres en partage (la création collective à l'ère d'internet), et à vrai dire je n'étais pas complètement dans ma lecture, car son évocation liminaire sur la disparition de l'auteur (Barthes, Mallarmé, disparition élocutoire du poète etc.) me renvoyait ironiquement à cette grande difficulté éprouvée à débarrasser mes propres textes d'un "je" trop présent. Ma pensée s'échappait par ces petites fissures d'amour-propre, qui progressivement devenaient des béances, car s'y rajoutaient des mauvaises consciences contradictoires, à teneur logistique (doute sur la posologie des antibiotiques administrés le matin même pour venir à bout d'une maladie infantile, préparation insuffisante d'une réunion de travail à venir, retard cruel sur des factures à payer, etc).
Comme parfois, comme souvent dans ces cas là, j'ai été prise d'une crise d'éternuements à répétition (allergie à la conjonction courant d'air/contrariété). Au dixième éternuement, et devant mon incapacité à trouver quoi que ce soit dans mon sac à main, le passager en face de moi m'a tendu un mouchoir en papier, j'ai remercié, je me suis mouchée, et tout en éternuant j'ai continué ma lecture, avec le sentiment confus d'une certaine disparition, en effet : l'ambition d'être un peu auteur, ou même seulement lecteur, se retrouvait dispersée aux quatre vents. Le "je" sous la figure de l'éternuement, en quelque sorte : quelque chose d'irrepressible, de convulsif, et de très passager.
Et puis nous sommes arrivés au terminus, et tandis que je tentais de remettre de l'ordre dans le fatras de feuilles et de kleenex, j'ai senti une main se poser sur mon bras.
C'était le passager à côté de moi. Je l'ai regardé, pour la première fois. Un petit monsieur, le teint mat, le visage très ridé, les yeux noirs. Il m'a souri, puis il m'a dit quelque chose, d'un peu ânnoné. Je n'ai pas entendu, je lui ai fait répéter, et c'est vrai que je me raidissais déjà, j'envisageais qu'il m'ait touché le bras pour ensuite me taper, au sens métaphorique.
Alors il a répété ce qu'il avait à me dire, et ce qu'il avait à me dire, c'était : "bonne journée".
Ce monsieur hier matin a fait cette chose incongrue. Il a posé la main sur moi, il m'a souri et m'a dit bonne journée. Ce petit monsieur, vieil immigré, que dans un réflexe douteux j'avais déjà mis dans la catégorie de ceux qui attendent qu'on leur donne quelque chose, c'est à moi qu'il a fait un cadeau : sa main, sa parole, sans que pour une fois je n'ai besoin de rien réclamer.
Ca a duré très peu de temps, quelques secondes, le temps qu'il me dise cela, bonne journée, et que je lui souhaite la même chose en retour.
Ensuite, je me suis retrouvée sur le quai, en proie à la stupeur, à la douceur.
J'étais comme une eau subitement calmée.

Dans le métro d'après, j'ai continué ma lecture, et c'était complètement différent, j'avais l'impression qu'on me parlait de ce qui venait de se passer. Je lisais ceci : "Toutefois, l'oeuvre n'a pas ici de forme prédéterminée et n'existe semble-t-il qu'au travers d'interactions". Et puis aussi ceci : "Le monde est difficile à entrouvrir".
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19 juin 2009 5 19 /06 /juin /2009 15:10

Il a écrit cela de ses mains :

"A nouveau, l’apparition des taches rouges dans les paumes, au moment où je reprends l’écriture de la séquence autour de laquelle s’articule « Nu intégral ». Je ne peux que constater la manière dont ces taches se superposent très exactement à la carte d’état major du lieu de l’attaque, à proximité du village de X. Plus je tente de faire le point, plus les taches forcissent, jusqu’à ce que le sang perle. La nuit, après avoir désinfecté puis bandagé mes mains, elles brûlent atrocement, comme encore rongées par les puces de sable.

Qui écrit à l'envers du corps?"


Je connaissais déjà son travail, je savais déjà tout ce que lui tentait d'écrire à l'endroit d'un corps que je savais douloureux, mais je n'avais jamais pris le temps d'en savoir plus. Quand il m'a autorisé à reprendre cette photo je suis allée voir sa notice biographique. Et je tombe sur ça : 



1965
: naissance de Philippe Rahmy à Genève, père franco-égyptien, mère allemande. Maladie des Os de Verre. Fracture des deux mains à la naissance.


Depuis, cette pensée de l'enfant qui nait en se fracturant les mains m'accompagne. Je pense à tout ce que cela doit changer. Pour la plupart d'entre nous, l'ouverture des portes du monde se fait comme au saloon, on pousse d'un coup les portes à battant et pouf, on entre. Et puis là non, c'est les mains qui se cassent sur les portes du saloon. Ou qui se prennent dans les gonds, on ne sait pas. Et de tout façon cela ne s'arrête pas à l'entrée, le monde ensuite continue de broyer ces os trop fragiles. 
J'essaie de comprendre ce que cela doit changer, moi qui ne me suis jamais, jamais cassé le moindre petit os. Moi qui n'ai connu l'anesthésie nécessaire que pour des évenements dont je n'étais pas la principale protagoniste (ouverture des portes du saloon). J'essaie de comprendre ce que cela peut changer, quand déjà, dans un corps adapté, la question de l'habiter me semble pourtant difficile.
 
Je lis ces quelques phrases tirées de
sms de la cloison :

"Réduit à mon
seul prénom
continuer encore
un peu sur cette
barque de peau"


"Renoncer
prolonge l'effort
de naître"


Et puis :

"Comment 
témoigner
encore en
l'absence de
toute force"

Je pense aux tâches rouges, comme une carte, apparues sur la main au moment d'écrire un texte, et je lis encore cela : 

"La sainteté est la
seule alternative
au poème"
 

Stigmate : évidemment la question de la sainteté, et du témoignage. Mais aussi, ces acceptions qui peut-être permettent à la sainteté et au poème de se retrouver sur des terrains où les passifs religieux ne viendront pas les faisander :

  1. (Botanique) Extrémité supérieure d’un style d’un pistil d’une fleur.
    • Le stigmate reçoit le pollen et le retient. - Stigmate bifide. - Stigmate sessile.
  2. (Entomologie) Orifice des trachées, organe respiratoire placé sur les côtés du corps des insectes.
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16 juin 2009 2 16 /06 /juin /2009 21:05

Je le croise parfois. La première fois il avait sa bulle sur la tête, il était debout droit comme un i tenant la barre, et en face de lui, sur un strapontin, une très belle fille qui ne le quittait pas des yeux. Lui aussi la regardait. Juste une bulle en plus, une bulle de silence au dessus de leurs regards croisés, et ça créait déjà tout l'espace d'une histoire. Du coup j'ai failli mourir de chagrin quand ils ne sont pas sortis ensemble à la même station. Et puis finalement je m'en suis remise.
Tout ça pour dire qu'évidemment quand je l'ai croisé l'autre jour, il avait beau ne pas être assis en face de moi, puisque je n'étais pas assise et que j'étais plutôt derrière son dos, je lui ait quand même demandé une photo. Il a dit pourquoi pas.
C'est étonnant ce qui s'installe de différent, quand on n'est pas assis face à face. La photo je l'ai prise accroupie, en contre-plongée, parce qu'il avait fallu avant que je dépose un sac trop lourd. Mais la conversation s'est tenue dans la pente inverse, je suis revenue debout pour parler (pb jambes lourdes), et lui devait tourner et lever un peu la tête, ce n'était peut-être pas très confortable. Nous étions comme deux obliques qui se croisent, et j'ai eu peur un moment que la parole, qui a un sens aigu de la gravité, ne circule pas bien dans les deux sens. C'était sans compter qu'un jongleur a plus de compétence que la moyenne pour apprivoiser la gravité, et obtenir que ce qui est normalement destiné à tomber puisse faire tout autre chose : selon la technique choisie, s'envoler, circuler, rester en suspens.

Lui, sa technique, c'est la boule de contact. C'est comme ça que ça s'appelle, c'est le nom officiel de cette discipline, et il est très conscient d'avoir prolongé le nom d'une nouvelle signification. La boule reste en contact avec la peau du jongleur, toujours. Et de ce fait même, certainement, elle fait circuler quelque chose à la surface des autres peaux distantes, des autres peaux de nous autres, les voyageurs contemporains du jongleur.
Ca a l'air très facile comme ça, très fluide, de faire passer sur le dos de la main puis sur la paume puis sur l'avant bras, cette boule de quelque centaines de grammes. Mais ces quelques centaines de grammes je les ai pris dans la main : c'est très lourd pour une bulle. C'est un travail énorme d' arriver à en faire ce qu'on veut, un travail qui transforme la main : le muscle très spécifique entre le pouce et l'index, il peut le faire gonfler comme d'autres leurs biceps.   

Un travail énorme et tout ça pour quoi? Pour la seule dépense de se produire avec dans le métro, car là est le terrain d'exercice quotidien du jongleur. Je lui demande pourquoi il jongle, il me dit que c'est grâce au jonglage qu'il a appris à communiquer, qu'avant c'était très difficile pour lui. C'est comme s'il avait délégué le silence dans cette bulle, non pour l'emprisonner, mais pour en faire un émissaire : la respiration nécessaire d'avant la parole.
Et pourtant là dedans il n'y a aucune magie. La balle de contact, c'est la même que celle qu'utilisent les voyantes pour dire leur prédictions, c'est une boule de cristal en fait, sauf qu'elle n'est pas plus en cristal que celle des voyantes, elle est en acrylique et elle peut très bien tomber par terre sans se briser, sans que des maléfices horribles se déclenchent. J'en parle en connaissance de cause, il l'a fait tomber devant moi. J'ai eu peur pour mes pieds un moment mais sinon rien à signaler.
Aucune magie, donc, seulement de la technique, et un objectif de forcené : faire que le contact se propage. Faire qu'à partir de la boule des regards circulent, des sourires se propagent dans la rame. Et penser que c'est important.
Ce n'est pas moi qui le contredirais, et pourquoi le taire, j'ai été presque un peu jalouse, à voir ce qui se passait ce soir là dans notre rame, à voir les langues se délier autour de nous, de constater que sa technique, pour le même but, avait des puissances de propagation bien supérieures à la mienne.

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13 juin 2009 6 13 /06 /juin /2009 13:54
Ci-joint la main d'un poète, et c'est une chouette occasion que ce soit justement celle d'un poète qui me soit livrée transparente.
Car, cette photo qui n'est pas de moi bien sûr, prouve un certain nombre de choses :
- que l'opacité de ce qui nous traverse nous définit d'un éclat plus vif ,
- que la question des articulations n'est jamais irrémédiable en poésie
- qu'il n'y a pas que l'homme qui valait trois milliards à accueillir en lui l'exogène

Merci à Fred Griot.
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5 juin 2009 5 05 /06 /juin /2009 19:10

















Ils étaient ensemble, sur cette banquette de métro comme dans la vie, alors j'ai enfreint la loi de l'interdiction de la diagonale (la loi qui me prescrit de ne photographier que les personnes en face), pour les garder ensemble. D'autant que c'est important, pour eux, du moins ce fut mon impression, de garder ensemble les êtres qui comptent. La bague main droite d'ELLE , est le sertissage d'un diamant de famille dans une bague dessinée par LUI. La bague main gauche est une bague recomposée à partir de la fusion de plusieurs bijoux familiaux. ELLE m'a dit que cela s'appelait un meltdown, j'ai appris aujourd'hui qu'on employait aussi ce mot pour parler de la fusion dans un réacteur nucléaire. Et aussi pour parler d'un désastre. Un meltdown contre un autre, en somme. Se fondre ensemble pour lutter contre le désastre de la disparition. ELLE m'a montré cette bague en me disant : "ils sont tous là".

De ces mains, ELLE m'a dit que l'arthrite s'en était emparée, lui déformant, sans douleur, mais de façon irrémédiable, les doigts. LUI a dit en plaisantant que c'était une bonne manière de déléguer à l'autre toutes les tâches difficiles. ELLE a ri et dit : "si seulement c'était vrai!". Pas d'erreur : c'est un vrai couple.
Quant à LUI, ses mains sont incontestablement fortes et musclées : il est batteur de jazz, et le maniement des baguettes, depuis si longtemps, lui a façonné des doigts très massifs. J'ai repensé au très jeune batteur de rock rencontré il y a quelques semaines, aux mains encore si fines. J'ai pensé au temps qui nous donne notre forme, dans un meltdown que le seul sertissage de nos actes peut sauver du désastre.

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4 juin 2009 4 04 /06 /juin /2009 13:17

Entièrement dédiées à la conduite, au pilotage, elles s'accordent un moment d'inaction, pas de relâchement : la posture de l'étirement convient mieux certainement pour se délasser de la concentration sur le volant, sur la route.

Ces mains, je présume, ne se savent pas vues. Pas de pose dans ce geste si manifesté pourtant : une manifestation, une proclamation du repos.

On fait le même geste, souvent, en mettant les mains croisées derrière la tête. Là, preuve que malgré la manifestation de repos le conducteur fait encore corps avec son outil de travail : le geste englobe l'appuie-tête. Comme si l'appuie-tête lui aussi avait besoin d'être soutenu, détendu.

Cette photo n'est pas de moi, mais comme je suis un peu bouchée je n'ai pas complètement compris où s'arrêtait l'anonymat requis : aux mains du conducteur de bus, ou aux mains du photographe des mains du conducteur de bus. Encore une histoire de tête et d'appuie-tête, en somme.

Mais, petite devinette, il y en a certains qui suivent ce blog qui peut-être pourraient en reconnaître l'auteur, en regardant bien.

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